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Le tribunal d’instance d’Orléans, par un jugement extrêmement bien motivé en date du 23 mai 2011 (n°11-11-000170, SAS TDA Armements/CGT TDA Armements), avait considéré que l’exigence d’avoir deux élus pour la désignation d’un représentant syndical au CE, posée par l’article L.2324-2 du Code du travail, était contraire aux articles 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme (CESDH). D’autres tribunaux d’instance avaient jugé de même, notamment celui de Tours (jugement du 3 octobre 2011, n°11-000852, UD FO Indre-et-Loire c/ Société Gemalto). 

Le tribunal d’instance d’Orléans avait jugé qu’en excluant les syndicats représentatifs ne disposant pas d’élus en nombre suffisant du droit de désigner un représentant syndical au CE, le législateur avait désavantagé de manière déraisonnable ces syndicats dans le déroulement de la négociation collective, dès lors que l’égal accès aux mêmes informations sur la vie de l’entreprise n’était pas garanti à tous les syndicats remplissant les critères de représentativité. Il poursuivait en indiquant que l’information des syndicats sur la situation de l’entreprise et ses perspectives est indispensable à l’exercice concret et non théorique des droits garantis à l’article 11 de la CESDH; qu’en ne permettant pas à tous les syndicats participant à la négociation collective d’accéder à l’intégralité des mêmes informations (les syndicats disposant d’un RS au CE étant destinataires, via le comité d’entreprise, d’informations privilégiées), l’article L.2324-2 du Code du travail constituait une violation des articles 11 et 14 combinés de la CESDH en l’absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre le but visé (la fixation d’un critère de légitimité pour la désignation d’un représentant syndical au comité d’entreprise) et les moyens employés. 

Par deux arrêts en date du 24 octobre 2012, dont la motivation est extrêmement lacunaire, la Cour de cassation casse et annule sans renvoi les jugements des tribunaux d’instance d’Orléans et de Tours. Sans véritablement rentrer dans le débat juridique, elle affirme que les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales laissent les États libres d’organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial à certains syndicats en fonction de la nature des prérogatives qui leur sont reconnues; qu’ainsi le choix du législateur de réserver aux seules organisations syndicales ayant des élus la possibilité de désigner un RS au CE ne méconnaît pas les articles susvisés de la Convention (Cass. soc., 24 octobre 2012, n°11-18885 et n°11-25530, pour une étude détaillée voir InFOjuridiques n°79, à paraître). 

Par deux autres arrêts datés du même jour, la Cour de cassation est venue affirmer qu’un accord collectif, même conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, ne peut déroger à l’obligation d’avoir deux élus pour la désignation d’un RS au CE dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Elle considère donc que les dispositions de l’article L.2324-2 du Code du travail sont d’ordre public absolu (Cass. soc, 24 octobre 2012, n°11-22087 et n°11-16071). 

Cette série de décisions rendues le même jour par la Cour de cassation est quelque peu inquiétante. Les décisions, tant du tribunal d’instance de Tours que de celui d’Orléans, avaient pourtant bien mis en valeur le désavantage que cette disposition entraînait dans le déroulement de la négociation collective, les syndicats représentatifs, mais n’ayant pas forcément deux élus, n’ayant alors pas accès aux mêmes informations sur la vie de l’entreprise que les autres syndicats. C’était d’ailleurs tout le sens, à l’origine, de la création du représentant syndical au CE: permettre une présence syndicale dans le CE, même en l’absence d’élus. Ainsi pouvait-on estimer, à juste titre, comme l’ont fait les tribunaux d’instance de Tours et d’Orléans, que «l’information des syndicats sur la situation de l’entreprise et ses perspectives est indispensable à l’exercice concret et non théorique des droits garantis à l’article 11 de la CESDH». Aussi, l’affirmation de la Cour de cassation relative à la marge de manœuvre dont disposent les États nous paraît-elle un peu «courte». C’est la raison pour laquelle la confédération FO réfléchit à l’opportunité de saisir directement la CEDH sur ce point. 
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